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Marion Mayer : la classe americana (interview)

On a connu Marion Mayer l’année dernière lors d’un concert au sein du festival Folk You au Divan du Monde.

Le folk américain est son ADN, sa culture et c’est donc sans complexe et avec assurance qu’elle parvient à monter seule sur scène, avec sa guitare.
Elle a déjà produit deux EP au songwriting remarquable laissant entrevoir une modernité sous-jacente qui ne demande qu’à être exploitée.

On l’a rencontrée au Pan Piper, ce lundi 29 mai, après qu’elle ait assuré la première partie de Denez devant une audience assise et rapidement captivée par les compositions de la rennaise et sa voix émouvante et juste.

Elle nous parle de son parcours, de ses influences et bien sûr de ses projets.

GBHM: Sortie de concert à l’instant, comment tu te sens ?

MM: Là c’est un peu la descente d’adrénaline, car depuis un an je joue avec un batteur qui ne pouvait pas être là ce soir. Comme j’étais toute seule, j’ai voulu faire quelque chose de différent, j’ai donc joué de nouveaux morceaux. En plus de ça, j’ai eu des galères de matériel pendant la balance, un ampli qui a fondu… Donc je suis montée sur scène un peu tendue. Mais l’accueil du public a été excellent et j’ai réussi à me détendre.

GBHM: Donc depuis un an tu es sur scène avec un batteur, mais la collaboration avec le batteur va-t-elle au-delà de la scène ? Est ce qu’il compose avec toi ?

MM: Je suis toujours à la base de tout mais depuis le mois de décembre, je travaille avec un réalisateur sur Rennes, Julien Vignon (chanteur du groupe Manceau). Je compose, j’arrive avec les maquettes et ensemble on arrange, on réenregistre ces nouveaux titres. Ensuite je les fais écouter à Fédérico, le batteur et on les retravaille ensemble.

GBHM: Jusqu’à maintenant, tu faisais tout ?

MM: Lorsque j’ai enregistré mes deux EP, j’ai été aidée par un réalisateur mais j’étais vraiment à la base de toutes les compos et arrangements. Du coup, là je me repose un peu sur Julien pour ce qui est des arrangements, afin de me concentrer uniquement sur la composition. Julien m’apporte aussi des nouvelles façons de travailler, comme l’utilisation de samples par exemple… Ce sur quoi on travaille est assez différent de ce que je faisais jusqu’à maintenant.

GBHM: Et donc tout ceci se passe sur Rennes ?

MM: Oui, the place to be !!!

GBHM: Justement les artworks de tes deux premiers EP sont maritimes ou bucoliques, tu es très ancrée en Bretagne ?

MM: Oui, je suis une fille de la mer, j’ai grandi auprès d’elle, c’est très important pour moi. Mais la première pochette, elle, a été conçue en Californie, à Los Angeles. D’ailleurs le premier EP a été composé pendant ce voyage en Californie.

Les Etats-Unis m’ont toujours beaucoup attirée, j’y suis souvent allée. A la base, c’est le courant de l’americana qui m’a énormément inspirée. Ce sont les fondements de mes influences. J’aimerais d’ailleurs y retourner encore et encore… mais je suis trop attachée à la Bretagne pour partir définitivement. J’adore ce mode de vie, c’est ressourçant et Rennes est la ville parfaite pour ça : à taille humaine et à 45mn de la plage.

GBHM: C’est vrai qu’on entend les influences americana sur tes EP, quelle est ta relation avec ce mouvement ?

MM: J’ai toujours été baignée là-dedans grâce à mes parents qui écoutaient Cat Stevens, Jackson Brown, James Taylor, Joni Mitchell… J’ai commencé à jouer de la guitare très tôt et comme j’étais imprégnée de cette culture, j’ai tout de suite voulu écrire des chansons qui doivent toujours tenir simplement en guitare/voix. C’est encore en moi, même si aujourd’hui j’ai envie de tester des choses différentes, et c’est vrai que ce soir du coup, on pouvait moins sentir cette influence. J’ai vraiment envie de faire des choses qui soient un peu plus connectées à mon époque, plus en corrélation avec l’esthétique qui se développe actuellement.

GBHM: Justement, il y a une chanson que tu as jouée ce soir, où tu répètes « Human After All », c’est une référence ? Un chemin vers lequel tu souhaites aller ? Une envie de jouer casquée ?

MM: [Rires] Alors en off, je peux te montrer quelque chose (Marion soulève la manche de son chemisier et me montre un tatouage sur le haut du bras intitulé « RAM », NDLR).

Mais en fait ce n’est pas pour « Random Access Memory », c’est en référence au premier album solo de Paul Mc Cartney… et donc ce n’est pas une référence à Daft Punk. Cette chanson, « Into The Wall » est née d’un ras le bol de l’ambiance pesante que doit subir la jeunesse aujourd’hui, c’est ma chanson politique [rires].

GBHM: Tu as d’ailleurs sorti un superbe clip de ce titre, qui est un plan séquence dans un endroit qui semble assez étrange. Tu peux nous en parler ?

MM: Le clip est né de la rencontre avec le réalisateur rennais Damien Stein, pour qui j’ai joué dans un court métrage qui n’est pas encore sorti. On a accroché et il m’a proposé ses services au cas où j’aurais besoin d’un clip.

Alors, je l’ai invité à cliper ce titre-là qui a été enregistré en une seule prise. Je voulais que l’on retrouve dans la vidéo cette même spontanéité, d’où l’idée du plan séquence.

C’était aussi l’idée pour moi de retracer un peu mon histoire musicale personnelle, car je suis toute seule au début et je termine le titre avec le batteur qui aujourd’hui m’accompagne sur tous les concerts.

GBHM: Et le lieu où vous avez tourné, c’est un endroit qui semble assez étrange, tu peux nous en parler ?

MM: Le clip a été tourné à l’hôtel Le Magic Hall à Rennes, dans lequel j’ai ma résidence. L’équipe est incroyable et c’est un endroit assez magique, car il y a dans cet hôtel une pièce où des instruments sont à disposition. Qui le souhaite vient jouer comme il l’entend.

GBHM: Tu as eu l’occasion de tourner une vidéo où tu joues entourée de requins. Tu es donc prête à monter à Paris, à en découdre avec le business world de la musique ?

MM: Ah oui… Alors, je ne suis pas une fervente adoratrice de l’enfermement des animaux, mais en fait, j’ai eu l’occasion de tourner ce clip avec la complicité de Rod Maurice dans l’aquarium de Saint-Malo, et donc on n’a pas hésité. Mais sinon, bosser avec des requins, non… Je fais très attention aux gens avec qui je travaille, j’ai besoin d’avoir des gens qui me rassurent et de garder une ambiance un peu familiale. Monter à Paris oui, mais j’attends aussi de finir de me développer, surtout qu’ici en Bretagne on a la chance d’avoir beaucoup de mesures d’accompagnements, beaucoup de lieux pour pouvoir jouer, répéter. Donc je ne partirai pas tout de suite, mais c’est l’un de mes objectifs.

GBHM: Et aujourd’hui quels sont les projets ?

MM: Un concert le 15 juin avec H-Burns à l’Ubu, et avec le batteur. Ensuite, on joue à Lorient où j’ai une sorte de résidence dans un rade qui s’appelle le Galion. Et après je re-bosse avec le batteur afin de préparer le nouveau concert, en incluant quelques machines.

BONUS TRACKS: Les titres conseillés par Marion Mayer pour découvrir l’americana.

– America « A Horse With No Name »

–  Joni Mitchell « California »

–  Jackson Brown « These days »

– Les deux premiers albums de Crosby, Still and Nash (intitulés « Crosby, Stills & Nash » et « Déjà Vu », NDLR)

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN GUILLO