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Isaac Delusion : use your delusion (interview)

                                                                                  Crédit photo: PE TESTARD

A l’occasion de la sortie de « Rust & Gold« , les 2 fondateurs d’Isaac Delusion nous ont reçu à la cool pour papoter autour d’une bière.
Après 2 dates archi-complètes à l’Elysée Montmartre ainsi qu’un accueil unanime du public et de la presse concernant leur nouvel album, on a tenté de percer leur(s) secret(s) de fabrication.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le groupe se produit le 13 mai sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris à l’occasion de la Fête de l’Europe et c’est gratuit !

GBHM (après avoir renversé sa pinte sur la moquette du studio) : Est-ce que vous pouvez vous présenter individuellement, histoire que ce soit plus facile de suivre l’interview pour nos lecteurs ?

Loïc : Moi c’est Loïc.

Jules : Moi c’est Jules… Loïc chante, compose, gratouille un peu. Moi je suis aux claviers, à la guitare, un peu aux machines, et je compose aussi. On a fondé le groupe tous les deux, et ensuite se ajoutés Nico à la basse, et Bastien qui fait un peu de tout. De la guitare, du clavier, du trombone, des claquettes (rires). Mais la grande nouvelle, c’est qu’on a désormais un vrai batteur, Cédric (NDLR: jusqu’ici, Isaac se produisait sur scène avec une boite à rythme).

GBHM : Vous entretenez le mystère autour du nom de votre groupe. On tente notre chance. Serait-ce une référence à Isaac le Chapelier, Jacobin pendant la révolution française qui a tenté d’interdire les syndicats et les grèves ?

Jules : Mmmm…. Non.

Loïc : De toute façon, on préfère que chacun se fasse sa propre interprétation. Si ça trouve, on ne sait même plus d’où ça vient.

Jules : Allez, deuxième chance, à quoi ça te fait penser ?

GBHM : Un rapport avec Isaac Newton ? L’illusion de la gravité… D’où le côté pop planante ?

Jules : Tu te rapproches… Mais non.

GBHM : Votre premier album était très fluide, il y avait une bonne homogénéité entre les titres. Sur « Rust & Gold », on sent plus de contrastes, les transitions sont parfois assez marquées. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette direction ?

Loïc : On ne voulait pas reproduire le premier album. On a un peu fait le tour de ce qu’on savait faire en termes de légèreté. On avait envie de quelque chose de différent, avec plus de matière, et des thèmes un peu plus noirs parfois. D’ailleurs on a aussi complètement changé notre technique d’enregistrement. Comme tu vois, on l’a composé dans un petit studio, dans un univers plus underground, ce qui se ressent pas mal au niveau des sonorités brutes.

Jules : C’est un album qu’on a fait vraiment seuls, sans l’intervention du label. Même pour le mix. Ce qui lui donne un côté un peu plus rock n roll.

Loïc : En fait, les premiers morceaux qu’on a enregistrés ont plutôt déplu aux producteurs. Ils nous attendaient sur la continuité du premier album, dans la lignée de « She pretends« . Comme on est parti sur quelque chose de plus tordu, moins évident, ils ont trouvé ça trop risqué, et on a claqué la porte pour rejoindre le label de notre manager (NDLR Microqlima). D’un point de vue musical, on trouve qu’il est essentiel de surprendre pour perdurer. Il ne faut pas reproduire sans arrêt la même chose, ou le public se lasse.

Jules : Et même pour nous surtout, c’est important d’enregistrer des choses qu’on aime, pour garder l’envie de jouer.

GBHM : D’ailleurs, qu’est-ce que vous aimez écouter vous ?

Loïc : En ce moment, je suis à fond Alabama Shakes. J’écoute beaucoup de soul en général.

Jules : Je suis pas mal rocksteady. Tu sais, cet espèce de reggae enregistré un peu à l’arrache dans la fin des années 60 en Jamaïque. Mais la soul aussi, beaucoup. C’est la base de toute la musique d’aujourd’hui. Ça a mené au rock, au hip-hop…

Loïc : On est aussi très influencé par tous ces mecs qui produisent leur musique eux-mêmes. Kevin Parker de Tame Impala, Unkown Mortal Orchestra… On a enregistré notre album seuls. C’était un défi pour nous de réussir à faire un truc costaud, professionnel, tout en faisant du home studio. Toutes les voix, je les ai faites chez moi, avec un micro de merde. Mais au final, ça fait la particularité de l’album. Comme on n’avait pas de moyens faramineux, on a dû être ingénieux dans la façon d’enregistrer, beaucoup bidouiller, et vraiment réfléchir à la façon dont on voulait sonner. Pour te donner un exemple, sur le morceau « Black Widow », on entend une espèce d’orchestre de cuivres. En fait, c’est ma voix passée dans un vocodeur et un petit synthé, que j’ai ensuite superposée sur 15 pistes, pour avoir l’effet brass band.

Jules : On a trouvé ça même plus intéressant que d’avoir un vrai orchestre de cuivres. Ça donne un son unique, un peu intriguant. Et ça participe à l’identité de l’album.

GBHM : En parlant de voix, tu as pas mal progressé Loïc. Tu as pris des cours depuis le premier album ?

Loïc : Ahah, merci, mais non en fait. C’est l’effet concerts. Pour tout avouer, je n’avais pas trop réfléchi à comment placer ma voix sur le premier album, et de ce fait, j’ai dû beaucoup forcer sur scène pour l’imposer. Après 120 dates, ça m’a fait gagner du coffre ! D’ailleurs, sur « Rust & Gold », j’étais beaucoup plus à l’aise pour la mettre au centre des compos. Sinon, j’essaie aussi de nouvelles choses. Dans la dernière chanson, « Mother Shelter », je chante plus grave. Dans un esprit un peu Leonard Cohen, ou The National.

GBHM : Chanter en français aussi c’est nouveau. Pourquoi avoir attendu le deuxième album ?

Jules : En fait, Loïc en avait déjà fait une pour le premier album, qu’on n’avait pas gardée. Mais avec le recul, on s’est dit qu’on aurait dû.

Loïc : C’est une réflexion qui m’est apparue avec la maturité aussi. N’étant pas anglophone de base, je ne pourrais jamais avoir un vocabulaire aussi profond que dans ma langue natale. Revenir au français, c’est une démarche de sincérité, d’honnêteté. Et puis, c’est de là aussi que peut venir l’innovation. Pas en calquant un style anglo-saxon. Regarde Stromae par exemple, il a vraiment créé quelque chose !

GBHM : Que ce soit sur scène ou dans vos clips, on voit que vous aimez les belles vidéos. Ce sont qui vos réalisateurs cultes ?

Jules : Je n’en citerai pas, j’ai trop peur d’en décevoir certains ! (rires)

Loïc : Lynch, assurément. Takeshi Kitano aussi. Ceci dit, les projections vidéos pendant les concerts, c’était pour le premier album surtout. C’était cool, mais le public avait tendance à beaucoup scotcher dessus, et on voudrait quelque-chose de plus vivant. Maintenant, on a une scéno, un décor, je m’habille bien, il y a des poursuites à la lumière. Ça donne un côté plus soul, plus crooner. On a vachement bossé les jeux de lumières !

GBHM : Sinon, ce sont quoi vos souvenirs les plus marquants depuis le début du groupe ?

Jules : Oulah, on en a des tonnes ! On a tourné en Inde, aux Etats Unis, en Colombie… Calvi on the Rock, en Corse, c’était top aussi ! Mais en fait, comme pour les voyages, les meilleurs souvenirs, ce sont parfois les pires galères.

Loïc : Ah oui, comme cette fois en Suisse, où on s’est retrouvé coincé dehors parce que les hôtels ferment super tôt. Il faisait un froid de canard, et on a été obligé de dormir dans le van, sans chauffage. A l’époque, on n’avait pas de chauffeur, on devait se relayer pour conduire pendant la tournée. Là c’était le tour de Bastien. Donc pour le préserver, on l’a mis dans le coffre, un peu contre son gré d’ailleurs, pour qu’il puisse s’allonger et dormir un peu. Le lendemain matin, on s’est réveillé frigorifié, et on s’est rendu compte de la connerie qu’on avait faite. Dans l’habitacle, le fait d’être plusieurs, ça nous a un peu réchauffé. Lui il était seul. Et surtout, on a vu après coup que le coffre fermait mal, l’air rentrait, ça devait être une vraie chambre froide dedans. Sans déconner, on n’osait vraiment pas le récupérer, on avait trop peur de le retrouver mort congelé. Au final, on a pris notre courage à deux mains, on a ouvert la porte du coffre, et on l’a vu allongé, livide, les lèvres toutes bleues, les yeux grands ouverts. Il a tourné doucement sa tête vers moi, et il m’a dit en grelottant « J’ai jamais eu aussi froid de toute ma vie… ».

Jules : Le pauvre, après il a dû conduire, et jouer le soir… Je pense qu’il nous en veut encore pour ça !

GBHM : Oups. Bon, et pour finir, ce sont quoi vos projets pour la suite ?

Loïc : On va faire une belle tournée ! La plus longue possible ! On est à fond dans Isaac Delusion, on n’a pas de projet annexe, on est super concentré là-dessus.

Jules : Pour la tournée du premier album, tout avait été très vite. On a eu le sentiment de ne jamais être prêt. Mais là ça y est, on a bien pu se poser. Tout est en place, ça va le faire !

PROPOS RECUEILLIS ET RETRANSCRITS  PAR JULIEN