
Au Cabaret Vert, cinq heures du soir.
Ce fameux poème rimbaldien décrit par « bacdefrancais.net » comme « l’évocation vivante et joyeuse d’un instant de bonheur éprouvé dans un lieu simple, voire populaire » (GBH Music, premiers sur la référence culturelle), traduit assez exactement mon ressenti après ces quelques jours intenses passés dans les Ardennes.
Arrivée la veille après un rodéo-twingo-trip en compagnie d’une amie Carolomacérienne pur jus ayant émigré à Paris (ce qui ne justifie en rien qu’elle n’ait jamais mis les pieds au festival avant cette 11ème édition), j’ai découvert qu’il était aussi compliqué de trouver un bar ouvert un mercredi soir à Charleville-Mézières qu’un chauffeur de taxi honnête à Paris.
Ayant néanmoins réussi à nous faire inviter par des locaux à jouer une bonne partie de la nuit au (Limp) Bizkit dans une sorte de tripot semi-clandestin où le Boulaouane chaud coulait à flots, et malgré le réveil fort laborieux qui s’en suivit, nous arrivâmes tôt sur place (vers 18h du mat’) pour assister, bayards en poche et Oubliette ambrée en main, au tout premier concert du festival, celui des énervés britons de Slaves.

Après un sans-faute des merveilleux
Son Lux, une prestation euphorisante du culte
Etienne Daho et un live particulièrement émouvant de
Benjamin Clementine, place à la reine
Christine. Réprimant un léger bâillement depuis la coursive de l’espace VIP, j’en profite pour faire le plein d’Ardente (que de poésie dans un nom de bière) et de
cacasse à cul nu (une autre forme de poésie), histoire d’anticiper un peu la suite de la soirée. Le chouchou
Shamir, aka LE cauchemar de la sécu, décide de se frotter de près à son public lors d’un interminable bain de foule à base de hugs et de selfies, me permettant une fois mon tour venu de lui offrir un totebag estampillé GBH (la photo-preuve a hélas été censurée par la police de la photogénie).
Son Lux
Benjamin Clementine
Shamir
Retour à l’espace VIP pour
Paul Kalkbrenner, puis une fois mon titre-nostalgie passé (après un remix dégueulasse en guise d’introduction, j’ai craint une seconde qu’il ne bousille complètement Sky and Sand), je rejoins la bande à Ty du côté la scène des Illuminations, rebaptisée pour l’occasion « scène des illuminés » (le leader de
Fuzz, toujours aussi goleri, ayant en effet passé une bonne partie du concert à chanter des « Happy Birthday » à la cantonade). Le temps de remettre la main sur mon acolyte du blog et après avoir définitivement abandonné l’idée de retrouver ma pote perdue depuis le début de la soirée, nous regagnons nos lits, accompagnés sur la demi-heure de trajet en pente (ascendante évidemment) par les beats de
Gramatik.

Le lendemain, attendant quelque peu apathiques qu’entrent en scène les dinosaures californiens de
Jurassic 5, en testant la moitié de l’après-midi diverses bières belges, nous sommes tirés de notre léthargie par les déambulations de la capillairement flamboyante chanteuse d’
A-Vox, suivie d’une nuée de pré-ados à la langue pendante (les 30° ambiants sans doute…).
Un crochet pour découvrir les pêchus
Wand et it’s finally time to dance pour le reste de la soirée avec l’inénarrable duo
The Shoes, en particulier grâce au bien barré
Dan Deacon et aux (littéralement, le générateur ayant pété deux fois) explosifs
The Chemical Brothers.
Wand
The Shoes
Dan Deacon
Les gens qui me bousculent se confondent systématiquement en excuses (!). Ivre, un type à ma droite me propose de m’offrir une bière pour « compenser » le fait d’avoir renversé trois gouttes de la mienne (!!). Prévenant, le mec de la sécurité m’annonce qu’il y a un peu d’attente aux toilettes VIP, sans se départir de son smile XXL lorsque de rares personnes tentent de resquiller (!!!). Bienvenue à Bisounoursland. C’est à tel point qu’on se demande rapidement s’il n’y a pas eu de distribution générale de MD sur le camping. Surtout quand tu débarques de Paris et que ton échelle comparative se limite aux machines de guerre estivales organisées en périphérie, où les gens passent leur temps à critiquer l’attente au bar (ambiance Solidays) ou à épiloguer sur le look de leurs voisins (atmosphère Rock en Seine) (les deux cumulés = We Love Green).

Le Cabaret Vert, c’est se laisser porter par l’amour ambiant
De rencontres éphémères en coups de cœur pour la soirée entière, celle-ci passe ainsi à toute allure et
Mr. Oizo a terminé son set depuis une bonne trentaine de minutes lorsque nous nous décidons enfin à commander – juste avant le last call – nos bières-réconfort du retour.
Samedi, la fatigue commence à se faire sentir et je me retrouve incapable de m’aventurer dans le pit au milieu des groupies hystéros des so sexy membres du
John Butler Trio. Après un coup d’œil aux fougueux
Rouge Congo découverts au même endroit l’année dernière, je rejoins notre troupe (devenue entre-temps numériquement conséquente) devant
Jungle, avant mon highlight personnel de la journée, à savoir l’inoubliable prestation des puissants
Algiers, croisés quelques heures plus tôt à une terrasse de la
Place Ducale.
John Butler Trio
A chaque festival son potentiel WTF et j’attribue celui du Cabaret Vert à
Limp Bizkit.
Ok, Fred Durst sur scène en 2015 c’est déjà rude, à la fois pour lui et pour les (anciens) fans du groupe. Mais là, un nouveau chapitre du foutage de gueule musical a été écrit : après que son DJ ait tenté d’ambiancer la foule en mode boîte de nuit d’une ZAC de la région PACA avec « In Da Club » de 50 Cent (qui a effectivement besoin de thunes, merci la SACEM) et « One More Time » des Daft Punk (qui eux n’en ont vraiment pas besoin), ce cher Fredo a changé de siècle en commençant à s’égosiller sur « Killing in the Name ». Un vingtenaire devant nous : « C’est d’eux ce titre ? Wow, dingue, chavais pas ». Mon nouveau camarade de tranchées rencontré la veille et moi-même avons pensé l’espace d’un instant à littéralement buter ce jeune inculte au nom de notre lointaine mais néanmoins précieuse adolescence. Puis nous avons craint le pire en entendant les premiers riffs de « Smells like teen spiri »t et le pire est arrivé. A sa décharge, Fredinou nous avait prévenus quelques secondes plus tôt qu’il pensait se reconvertir en cover band (ce qui au demeurant était déjà le cas à la grande époque de « Behind Blue Eyes », LEUR carton de 2003). Mais le moment où j’ai réellement commencé à paniquer, avant de pleurer (de rire), c’est lorsqu’a retenti « Allons enfaaaaants de la paaaaaatwiiiieeee, le jouw de gloiwe est awwivéééééé », suivi de notre hymne national repris a cappella dans son intégralité par une bonne partie des spectateurs hébétés, ponctué d’un merveilleusement ironique « You’re so fucking patriotic » du leadsinger, avec pour toile de fond les évènements de la veille dans un certain train Amsterdam-Paris. Pour être juste, je me dois de préciser qu’ils nous ont quand même gratifiés d’à peu près trois « tubes » maison (« Rollin’ », « My Way » et « Take A Look Around » de la BO de Mission Impossible 2). Mais leur sortie de scène au son de « Staying Alive » a terminé de m’achever. C’est donc atterrée que j’ai songé que dans certains cas précis, l’euthanasie est parfaitement justifiée : il est en effet inhumain de ne pas laisser tranquillement mourir un groupe qui apparemment ne demande que ça.
Ne pouvant hélas assister aux réjouissances du lendemain soir, c’est la tête remplie de souvenirs et les abdos endoloris à force de rire que nous regagnons Paris, non sans avoir profité de la traditionnelle dégustation de vin et d’huître du dimanche midi. Et si c’est sous le déluge que s’est achevée cette édition – ne dit-on pas cabaret pluvieux, cabaret heureux ? – c’est avec un plaisir immense que nous reviendrons en 2016, nous amuser à nouveau en terres ardennaises
MAUD
Les photos de The Shoes, Dan Deacon, Rouge Congo et Algiers sont (c)
LUDO FJ