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Sin Tiempo : le temps d’une rencontre (interview)

Faire en sorte de publier mes interviews rapidement n’a jamais été mon fort – mais ce n’est pas comme s’il restait suffisamment de cheveux à mon rédac chef pour se les arracher pour si peu. Je n’ai apparemment pas encore réussi à accélérer le mouvement en 2016, probablement trop occupée que j’étais à y aller de mon petit commentaire sur la malédiction du nouveau club des 69 – qui en terme de trolling a quand même plus de potentiel Jean-Michel Blague que celui des 27.
Mais revenons à nos ovidés.
Tout d’abord un mot sur le contexte : mon entrevue avec Sin Tiempo, solide espoir de l’électro-pop hexagonale, a eu lieu à Rennes, le samedi (et dernier) soir des Bars en Trans, suite à sa prestation au bar (c’est le concept) Le Chantier. Ma préparation et ma forme physique (les 9 heures de sommeil en trois jours sans doute) ayant été à cet instant aussi proches du néant que le niveau de culture de Donald Trump, j’appréhendais un peu l’exercice, mais c’était sans compter la bienveillante sympathie de Paco (Del Rosso de son vrai nom), personnage aussi captivant qu’attachant.
Le jeune Lyonnais a sorti en mars 2015 un premier EP tubesque intitulé « Blue », dont le titre-phare « Lost Ode » a, dès les premières notes dans un Chantier en ébullition, fait tomber en pâmoison une jeune personne d’obédience gothique qu’on aurait pourtant plus imaginée en groupie transie de Robert Smith.

Poursuivant sur sa lancée, il a sorti son deuxième impeccable EP « Immanence » le 20 novembre dernier sur le jeune label français Tølva Records et participe le 30 janvier aux auditions régionales Rhône-Alpes des Inouïs du Printemps de Bourges (event ici et invitations ).
Go Paco !

GBHM : Alors Paco, tes impressions après ce concert réussi au Chantier ? Tu te sens comment ?

Sin Tiempo : Ah bah si tu penses qu’il était réussi, dans ce cas-là, je me sens bien [rires].

GBHM : Je t’ai trouvé très sincère. Le public m’a d’ailleurs semblé assez unanime sur ta prestation. Et l’assistant du programmateur qui était également présent m’a confié en trinquant t’avoir trouvé très bien.

Sin Tiempo : J’ai passé un super moment en tout cas. Un concert, c’est un spectacle, une performance. Si je ne suis pas dedans, c’est que j’ai livré un mauvais show. Je ne réfléchis pas à ce que je fais, c’est assez instinctif. L’important est que je prenne mais surtout que je donne du plaisir et que l’émotion ressorte. J’offre une partie de moi et j’ai envie que les gens la reçoivent, qu’ils ressentent quelque chose.

GBHM : Pour la petite histoire, la première fois que je t’ai vu, c’était à La Flèche d’Or pour une soirée Day One où j’ai croisé le manager de Thylacine, qui avait lui aussi beaucoup aimé ton live. Est-ce que tu te sens une filiation quelconque avec cette scène française électro des Thylacine, Fakear ou Superpoze ?

Sin Tiempo : Pas du tout. Je n’ai pas l’impression d’appartenir à cette scène. Je ne pense pas avoir la même approche de la musique. Je vois mon projet comme un truc pop, même si j’utilise des outils électroniques. Alors que Thylacine, Fakear je vois ça comme un truc électronique avant d’être pop. Même si Thylacine, c’est très musical, il joue du saxo par exemple. Une différence fondamentale je pense est le fait qu’ils ne chantent pas eux-mêmes.

GBHM : A ce propos, tu as une très jolie voix. Tu l’as travaillée pendant la formation que tu as suivie au Conservatoire ?

Sin Tiempo : J’étais en effet au Conservatoire, en musiques actuelles, où on avait des cours de pratique avec d’autres musiciens, d’écoute, d’expérimentation. Je fais de la musique depuis que je suis très jeune, depuis que j’ai 6 ans. De la batterie d’abord, de la guitare par la suite. J’ai joué dans des groupes de rock. Puis je me suis intéressé aux machines, à la MAO. Mais le chant, je n’ai commencé à l’utiliser que sur le projet Sin Tiempo.

GBHM : Comment ce projet a-t-il démarré ?

Sin Tiempo : Je n’avais plus de groupe de rock et j’étais dans un projet très électronique, avec des machines, chanté en français. Ce n’était pas moi qui chantais. Ça s’est terminé car chacun était très occupé à côté. Mais j’ai toujours fait de la musique tout seul chez moi, à essayer des trucs sans jamais vraiment penser à sortir mes prods. J’en ai fait écouter un jour à Samy, un ami d’enfance et un musicien avec qui j’ai beaucoup travaillé, qui m’a conseillé de développer le projet. J’ai expérimenté ma voix là-dessus, mais sans prétention. C’était voué à rester un délire personnel à la base. J’ai fini par retravailler les prods, seul ou avec lui.

GBHM : Tu as commencé quand exactement ?

Sin Tiempo : En janvier 2015, j’ai commencé à bosser sur le premier EP. Avant cela, j’ai fait des concerts « crash-tests » avec pas mal d’impro, en mode one-man-band avec guitare, machines et percus.


GBHM : Tu as bien bossé pendant l’année, puisque le deuxième EP est sorti il y a peu.

Sin Tiempo : Tout à fait. On l’a composé et enregistré en une semaine en banlieue lyonnaise. Puis je suis parti à Berlin pour le mastering.

GBHM : Une semaine pour quatre morceaux, c’est hyper court.

Sin Tiempo : En effet. Mais j’aime bien ce côté challenge, dans l’instant. J’ai l’impression que c’était authentique, honnête. J’avais préparé des choses mais rien de ce que j’ai apporté n’a fini sur l’EP. Et c’est ça qui est intéressant. Essayer de capter une ambiance, une humeur à un moment donné, sur un court laps de temps et les reproduire musicalement.


GBHM : J’ai l’impression que la notion de « temps » est importante pour toi, à commencer par le nom de scène que tu t’es choisi. Tout semble aller assez vite depuis janvier.

Sin Tiempo : En réalité, le choix de « Sin Tiempo » était pour le côté intemporel, plus que la traduction littérale « pas le temps », à laquelle je n’avais pas vraiment pensé. L’idée était de réaliser quelque chose hors des codes musicaux actuels sur-utilisés. Je voulais quelque chose de différent, qui se rapproche de la musique que j’écoute. Bien qu’à mon sens elle ne se retrouve pas du tout dans le projet, ce qui n’est pas grave au demeurant. L’important était l’approche philosophique.

GBHM : Mais le fait que tu aies des influences hyper différentes comme Björk, Radiohead ou LCD Soundsystem, même si on ne les retrouve pas forcément à l’écoute de ton projet, lui donne peut-être malgré tout cet éclectisme. Tu écoutes quoi en ce moment qui pourrait t’influencer ?

Sin Tiempo : Seekae ! J’ai A-DO-RE leur dernier album, j’ai pris une énorme claque en le découvrant [le garçon a du goût, nous aussi pour rappel on est fan, NDLR].

GBHM : Et ici aux Bars en Trans, tu as eu l’occasion de voir d’autres groupes ?

Sin Tiempo : Oui, je suis arrivé hier, donc j’ai pu voir Oklou, que j’ai beaucoup aimée. Elle est allée à la RBMA et les artistes Red Bull, je leur fais toujours un peu confiance. Après je ne vais peut-être pas insister sur ce qui m’a moins plus…

GBHM : Oh tu sais nous on passe nos journées à Rennes à s’engueuler sur la prog’. Hier par exemple, j’ai eu un grand moment de solitude en voulant aller voir Totorro au Parc Expo parce que mes petits camarades n’aiment pas du tout, alors que ce sont des putain de génies.

Sin Tiempo : Mais carrément, c’est génial Totorro ! Les mecs sont juste impressionnants, j’adore ce qu’ils font.

GBHM : Ah bah voilà, merci ! C’est avec toi que j’aurais dû aller voir ce concert.

Sin Tiempo : Au final je n’ai pas eu le temps de voir tant de choses que ça. Les Gordon, j’aurais aimé, mais c’était blindé. Mais j’ai regardé un peu en streaming ce qui passait au Parc Expo justement. Her j’ai trouvé ça top, hyper bien rodé pour un projet aussi récent.

GBHM : Est-ce qu’on peut revenir un peu sur ton passage à Berlin pour le mastering du deuxième EP ?

Sin Tiempo : Avec Samy, on avait regardé sur le net les références des albums dont on aimait le son et plus précisément la personne avec qui les artistes avaient bossé pour faire le mix [les artistes en question étant par exemple Howling, Dixon ou encore Âme, NDLR]. Sur plusieurs références, on tombait sur Hannes Bieger. Donc on lui a envoyé un mail, des prods, il a accroché et je suis parti. J’ai passé quatre jours dans son studio, on s’est hyper bien entendu. L’approche était assez simple. Le mec a des super machines, de très grande qualité. Je lui ai apporté mes morceaux et il a commencé à mixer direct, pour donner une couleur. Ça m’a impressionné qu’il bosse aussi vite donc je l’ai interrogé sur son mode de travail. Et il m’a expliqué qu’il voyait cela un peu comme une performance. Pour lui comme pour moi, la musique ne s’arrête jamais, les boucles tournent jusqu’à ce qu’un passage nous percute, nous plaise. On s’est rendu compte qu’on avait la même manière de fonctionner. Il s’est vraiment passé quelque chose sur « Deeper In The Sea » par exemple, une vraie connexion. Un super mec, j’ai été vraiment content de bosser avec lui.

GBHM : Tu as eu le temps de sortir un peu sinon ?

Sin Tiempo : Hélas non, c’était très intensif. Je passais la moitié de la journée au studio, l’autre moitié et la nuit à bosser mes prods à l’appart’. De Berlin je n’ai vu que le métro, les épiceries de nuit, les kebabs, la bière, le Club Mate et les cafés.

GBHM : En même temps, c’est un bon résumé de Berlin, le clubbing en moins.

Sin Tiempo : J’ai adoré l’énergie de cette ville, même si je regrette de ne pas m’être immergé dans sa nuit. J’ai rencontré des gens géniaux et j’ai vraiment hâte d’y retourner.

MAUD (avec le soutien précieux et pas seulement moral d’AIizée)