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On a pris Rendez-Vous (mais ils n’ont pas eu mal) [Interview]

Les quatre parisiens (Francis Mallari, Elliot
Berthault, Maxime Gendre et Simon Dubourg) ont sorti leur premier EP le 25
novembre dernier sur Zappruder Records.

Cinq morceaux à la fois sombres et enlevés, tantôt
agressifs puis mélodiques, chacun se révélant dès la première écoute être un
petit tube en puissance. Le genre à ne laisser aucun répit à tes oreilles en
demande d’hymnes inspirés.
A l’écoute, serions–nous en terrain
connu avec Rendez-vous ? Chant grave et magnétique, guitares tourmentées
sur envolées de synthés, ils ne peuvent en effet nier une certaine filiation
avec Joy Division et autres consorts des mouvements cold wave slash post-punk
des 80’s.
Imprégnés d’influences prestigieuses qu’ils
malaxent habilement pour proposer une énergie neuve, le quatuor réinvente la BO
d’une époque désenchantée dans un pays en berne qui se cherche de nouveaux
hérauts musicaux.
On a interviewé le quatuor le 1er
décembre dernier à sa sortie de scène à La Flèche d’Or dont ils partageaient
l’affiche avec Grand Blanc et A Call At Nausicaa. Rendez-vous, on est cernés
par le talent.

GBHM : Rendez­-Vous, c’est un nom
qu’on collerait volontiers sur un groupe de post punk 80’s, ce que ne démentent
ni votre approche instrumentale, ni l’esthétique du clip de « The
Others«  qui met en scène des moustachus démolisseurs de plus ou moins cette
époque. Mais en même temps, ce n’est pas un peu compliqué comme nom de groupe
en termes de référencement ? Il y a une anecdote derrière ce choix ?

Simon : Quand tu cherches un nom de groupe, tu
tiens pas compte du référencement.  

Francis : Je trouve pas que ça fasse post-punk des eighties, c’est intemporel.  

Elliot : Si, ça fait post-punk des eighties. En cherchant le nom du groupe, on
aimait bien cette naïveté eighties, ce côté un peu candide qu’il y avait
derrière ce nom, cette rencontre un peu ratée, un peu pathétique. Il y a
effectivement pas mal de groupes des eighties qui ont ce genre de noms
énigmatiques, même si je ne sais pas si c’est le mot. Des noms qui n’ont pas
trop de sens direct. Un truc un peu romantique, raté.    

Maxime : Une apparence un peu fleur bleue mais qui ne l’est pas vraiment. Si
jamais y a un petit décalage, on aime bien.           

Simon : C’est Elliot et Francis qui ont trouvé le nom du groupe. J’aime les noms
de groupe qui sont génériques, comme Justice ou Girls. Le mot qui fait très
banal mais dont tu oublies au bout d’un moment le sens premier et tu le colles
au son du groupe. On ne va pas jusqu’à dire qu’avec le nom « Rendez-vous« 
tu vas penser directement à nous…           

Elliot : Taxi Girl, même. 

Francis : Le sens original s’efface au bout d’un moment. Mais pour ce qui est
d’Internet, on n’y a pas pensé.

Elliot : On cherchait des noms, comme ça, on aimait bien le côté universel mais
en même temps français. On imaginait un peu une rencontre.  

Simon : C’est le groupe qui rend le nom cool et pas l’inverse.   

GBHM : Si on a bien compris, il
semblerait que le groupe se soit constitué autour du projet initial de Francis
et Elliot. Quelle en est la genèse précise ? Qu’est-ce qui vous a rassemblés au-delà
de vos affinités musicales ? Et quels sont vos backgrounds respectifs ?
Francis : Le groupe existait en binôme. Je
cherchais des musiciens pour faire un projet, on faisait de la musique dans la
chambre d’Elliot et c’est né comme ça.

Elliot : Je faisais de la musique avec un pote à nous et il m’a présenté Francis
qui avait un projet perso, j’ai écouté sa musique et j’ai trouvé ça super. Je
me suis dit qu’il y avait moyen qu’on fasse un truc, ça s’est super bien passé,
il y avait un lien entre Francis et moi. On a commencé à faire de la musique à
deux, on a commencé à produire les premiers morceaux et à nous connecter encore
plus. On a fait plein de morceaux, on en a isolé cinq qu’on a voulu adapter en
live. On avait donc un projet qui se concrétisait et Francis connaissait Max
avec qui il faisait du son, connaissait Simon avec qui il avait déjà fait de la
gratte sur certains projets. Nous on avait envie de faire des live, on a commencé à créer le projet à
trois, puis à quatre.           

Francis : C’est vraiment de la musique de chambre entre potes.

Maxime : Ils m’ont fait écouter les démos, j’ai trouvé ça chanmé.          

GBHM : Il y avait déjà un background
post punk dedans ?           

Francis : Non, on se cherchait justement. Les premières démos ne reflètent pas
exactement l’EP qu’on vient de sortir.  

Elliot : On a des tas d’influences et on ne savait pas exactement vers quelle
influence aller, mais ce qui nous réunit tous les quatre, c’est clairement la
new wave, le post punk.       

Simon : Même si on fait un truc quand même très connoté 80, on a pas du tout
envie d’un pastiche, de pâle réédition, on avait envie de digérer les
influences et de produire un son un peu différent tout en assumant à fond nos
influences et ce qui nous réunit.  

Elliot : Après, ce qui nous réunit c’est quand même ça quoi.     

Simon : Les nouvelles vagues sont très révélatrices de ce qu’on écoute.           

GBHM : Donc pour vous, la formation à
quatre c’est la bonne formule ?
Car dans
les formations post punk ou synth punk actuelles, on voit souvent des duos et
ça dépasse rarement les trois membres…
Francis : À la base, l’idée c’est de pouvoir
tout jouer sur scène, même si on fait des séquences.           

Elliot : Mais après, il y a pas mal de groupes qui sont dans la scène autour de
laquelle on gravite qui sont de vrais groupes. Limite, on est plutôt
restreints, certains ont un batteur… Nous on a deux synthés.

GBHM : Dans votre structure, on ne
dirait pas que vous avez besoin d’un batteur, ça se sent en live.
   


Francis : À l’avenir, pourquoi pas ?        

Simon : Ce n’est pas une posture.        

Elliot : Mais ça en devient un peu une, en même temps.

Simon : Tu conçois forcément les morceaux en te disant qu’il n’y aura pas de
batterie acoustique.  
                              
GBHM : C’est quelque chose qui se sent plus en live, mais les solos sont aussi des
oubliés de la tendance cold wave/post punk, non ?

Maxime : Ça dépend des scènes aussi, ici demain tu auras des groupes de stoner.      

GBHM : Justement, on parle de post punk, de votre positionnement musical.    

Elliot : En fait, on n’a pas trop de positionnement. Ce que tu dis n’est pas con
parce que pas mal de gens pensent qu’on a un positionnement mais on n’est pas
positionnés. Effectivement dans notre son il y a une position qui se crée mais
en tout cas dans la démarche il n’y a pas de positionnement. On ne se dit pas
qu’on va faire tel ou tel style de musique, aller dans cette vibe ou ce style-là.      

GBHM : Oui, on ne parlait pas de positionnement étudié, mais de
positionnement de facto et qu’intégrer des solos amène une dimension qui se
perd un peu parfois chez d’autres groupes.

Elliot : C’est peut-être parce qu’on est justement pas rattachés à une scène,
qu’on conçoit la musique plus largement.  

Simon : Une chose est vraie depuis le départ, avec Francis et Elliot puis quand
on s’est greffés au projet avec Max, c’est que rien n’est calculé. On a essayé
de faire un EP homogène mais pour nous, c’est juste faire des chansons qui nous
ressemblent et qui résument nos influences, et dans le deuxième EP, qu’on a
commencé, il y aura plus de ponts entre les musiques, avec plus d’influences
eighties sur certains trucs, mais on n’a jamais voulus être étiquetés
« post punk », même si c’est clair qu’on ne rejette pas les
influences post punk et new wave. Je pense que le deuxième EP montrera une
autre facette. On ne se dit pas: on va faire un truc comme tel ou tel groupe,
même si ça se ressent à mort et c’est normal. Ce premier EP n’est pas
complètement représentatif de ce qu’on peut faire.

Francis : Non, il ne couvre pas toutes nos influences.   

Simon : Quand on bosse, on arrive à un morceau alors qu’avant on avait écouté
des trucs qui ne ressemblaient pas du tout à ça.      

Elliot : On écoute de tout, aussi bien de la techno que du post punk, de la new
wave, du métal.

Francis : On vient de faire une mixtape assez révélatrice.          

GBHM : Justement, venons-en à cette mixtape. On y retrouve Ministry, qui a opéré un virage métal indus après
un excellent départ synth-pop. Y a-­t-­il un parallèle à faire avec les
intentions du groupe quant à son évolution ?         

Simon
: Si dans Ministry il y a quand même des trucs très très kitsch, avec pas
que du bon dedans, c’est un parcours qui est justement intéressant. Les mecs
ont toujours été précurseurs dans ce qu’ils ont fait, ne se sont jamais fermé
de portes, ils sont partis d’un truc complètement différent pour finir sur de
l’indus.    

GBHM : C’est quelque chose auquel vous vous rattachez ? Le changement
d’influences ?
          

Simon : Non, on se rattache pas à ça, il n’y a pas de calcul.      

GBHM : Sans parler de calcul, mais juste de valeurs, d’émotion. Pour la
suite.  

Simon : C’est mon avis, mais je trouve ça cool les groupes qui refusent de se
mettre des œillères.       
 
Elliot : Voilà, l’idée c’est qu’on ne se met pas d’œillères. Après, je pense que
notre son aura toujours cette homogénéité avec des synthés, des guitares. Mais
il y aura toujours le même « package », qui s’orientera peut-être un
peu autre part mais il aura toujours la même identité.

 
GBHM : Vous êtes attentifs à ce qui se passe sur la nouvelle scène
musicale française ? Y a-t-il des groupes dits « émergents« 
avec lesquels vous vous sentez des affinités particulières ? Ce soir vous
jouez avec des groupes français qui n’ont strictement rien à voir mais justement
l’affiche est intéressante pour ça, parce que le public est très mélangé.           

Simon : Oui, il y a des groupes qui nous influencent, notamment, puisqu’on en
parlait, dans les années 80, la scène synth wave belge ou française, qu’on
ajoute parfois dans des mixtapes, qui nous parlent.

Francis : Pas de groupes vraiment actuels.       

GBHM : Si on prend votre iPod maintenant, on trouve quoi dedans ?      

Elliot : Pas de truc français, pour être honnête. 

Maxime : J’ai pas d’iPod.         

Francis : Moi j’ai des trucs qui tournent en boucle.        

Elliot : On n’est pas rattachés à une scène et il n’y a pas une scène ou des
groupes en France auxquels on se sent rattachés. Même ça, le fait de faire le
truc sans nous rattacher nous rend identitairement autodidactes. J’imagine que
la France n’a jamais été vraiment comme ça. Il y a d’autres pays où tu as
vraiment des scènes qui influencent et portent des groupes auxquelles ils s’identifient
et qui créent vraiment quelque chose.          

Simon : T’as un truc en France qui pète les chevilles, et Grand Blanc fait
partie de ça, c’est qu’au bout de quatre ou cinq groupes on parle de revival de
la chanson française. Mais au final, quand t’analyses le truc, entre Aline,
Grand Blanc, La Femme, les groupes n’ont strictement rien à voir à part la
langue. Le truc qui va très vite, c’est de construire des scènes, inviter les
médias, après des groupes vont bien s’entendre, avoir des affinités sans qu’il
s’agisse pour autant d’une vraie scène. 

Francis : On a des affinités avec des groupes, par exemple on a tourné avec
Splashwave, même si ça n’a rien à voir. Cyril, Alex, c’est des potes à nous,
mais on ne fait pas du tout la même musique.

Elliot : On a des goûts hyper semblables, on s’entend musicalement mais pas sur
la musique qu’on fait.

GBHM : Oui, on a vu qu’ils vous ont fait un peu de promo. Pour en revenir
à la mixtape, vos références sont bien pointues, The Amps, Martial Canterel,
vous ne tombez pas dans des trucs complètement universels… Y a-t-il une sorte
de légitimité que vous souhaiteriez traduire ?

Simon : C’est juste qu’on est quatre, avec nos références.        

Maxime : Il y a des trucs que tout le monde connaît, et l’idée de faire une
mixtape c’est de faire découvrir aux gens qui ne connaissent pas les dix
morceaux qu’il y a dessus.      

Simon : On a l’impression de faire un truc assez pop quand même au final, The
Amps c’est loin d’être le truc le plus obscur du monde.

Elliot : Y a pas mal de monde qui viennent et nous disent qu’ils aiment nos
mixtapes mais qu’ils connaissaient déjà tout, on reste assez ouverts quand
même. L’idée d’une mixtape, c’est aussi de faire un truc un peu dansant, un peu
pop. Tout est accessible.      

GBHM : Vous citez d’un côté des influences cinéphiles sombres et
fantastiques (Donnie Darko, Kaboom) et de l’autre Fellini. Fellini, c’est pour
le côté exubérance baroque de la « Dolce Vita«   ou plutôt pour
l’angoisse de l’artiste en mal d’inspiration de « Huit et
demi«  ?     

 

Simon et Elliot, ensemble : C’est juste l’esthétisme.      

Simon : Le mec a toujours eu son « univers » et a tout poussé jusqu’au
bout. C’est pas du tout une posture, c’est juste qu’on aime bien le fait que le
mec ait poussé son esthétisme jusqu’au bout.  

Elliot : Pasolini, Fellini, on est hyper fans. Par rapport à Donnie Darko, on
aime bien cet univers un peu adolescent, perdu, 90’s, on a tous plus ou moins
grandi avec ça.  

Francis : Le rêve américain, un peu.
      
Simon : Ce genre de films, ça cristallise plein de choses. Que ce soit au niveau
de la musique, l’image, une love story un peu kitschouille et peut-être un peu
plus profonde que ça. On a des codes super pops, super cons et au final il y a
un drame derrière. Les codes de la musique sont un peu liés à ceux du cinéma,
quelque chose comme ça.         

GBHM : C’est une autre chose que vous aimez en dehors de la musique, le ciné ?        

Simon : Oui, et puis c’est cool d’avoir des influences un peu diverses, pas
juste musicales.      

GBHM : Oui, qui soient aussi visuelles, comme le montre aussi votre
projet. Bon sinon, release party au
Silencio, à l’affiche de la Flèche d’Or aux côtés de « A Call At
Nausicaa«  & « Grand Blanc«  ce soir, on a connu pire comme
lancement. Et on ne peut d’ailleurs que sincèrement vous souhaiter de
poursuivre sur cet élan. Une tournée est-elle prévue pour promouvoir l’EP ?   

       
Elliot : On prépare un deuxième EP. On ne peut pas faire de tournée pour
l’instant parce qu’on bosse dessus et parce que Simon a du taf. On va faire des
dates en avril, commencer à faire des tournées. Mais l’objectif direct c’est de
finir le deuxième EP.  

Simon : On aimerait le sortir assez vite. 

GBHM : Quand ?    

Francis : On ne peut pas vraiment dire, mais dans l’idéal en mars. Si tout se
passe bien.

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